Servir le citoyen et agir pour la République : les enjeux du congrès des maires
Des milliers de maires et élus de tous les territoires de France se réunissent du 20 au 22 novembre pour le 101è Congrès des maires, qui portera comme thème « Servir les citoyens et agir pour la République ». Tous auront le même message à faire passer au pouvoir central : laissez-nous notre liberté d’agir, notre liberté de faire, notre liberté fiscale, notre liberté de réussir, sur nos territoires, avec nos concitoyens.
Parce que les mêmes inquiétudes, les mêmes agacements, la même lassitude, la même colère se manifestent dans tous les territoires de France, de la plus petite commune à la plus grande ville. Inquiétudes sur l’avenir de la commune, colère contre la baisse des moyens, conscience amère que l’engagement de chacune et chacun des élus locaux envers leurs concitoyens et leur territoire est finalement trahi par les évolutions récentes imposées par « en haut ». Et si aujourd’hui cet engagement, malgré tout, se poursuit, c’est parce que nous, les maires, aimons profondément notre commune et continuons d’avoir, malgré tout, cette ambition de « servir le citoyen et d’agir pour la République ».
« Servir le citoyen », nous le faisons, avec notre équipe d’élus et nos agents publics, dans pratiquement tous les domaines de l’action publique. Partout, les collectivités locales sont impliquées, soit – trop rarement – dans la définition d’une politique publique, soit – de plus en plus souvent – dans sa mise en œuvre et son financement. On voit bien que l’idée de partenariat, de contractualisation doit absolument fonctionner. À condition qu’elle soit, naturellement, mise en œuvre de manière satisfaisante, et qu’elle porte aussi sur le fond, à partir d’une analyse partagée des besoins, et pas seulement sur les éléments budgétaires. Et c’est cette dimension de « service » qui montre combien la commune et ce qu’elle fait est important, essentiel, pour la vie quotidienne de nos concitoyens et de nos territoires.
« Agir pour la République », parce que chacun des maires de France, chacun des conseillers municipaux sont des élus de la République. La République n’est pas seulement chez elle dans les hôtels ministériels, dans les cabinets ministériels, la haute administration, l’Élysée ou le Parlement. La République est partout chez elle, sur tout le territoire national, dans chacune de nos mairies, de la plus petite à la plus grande. C’est ce que l’Histoire a apporté à notre nation, ce profond attachement aux principes républicains qui structure notre modèle de société et que nous avons à cœur de communiquer, de faire partager à l’ensemble de nos concitoyens, de transmettre aux plus jeunes – qui sont d’ailleurs souvent les plus réceptifs et les plus conscients de l’importance du « collectif ».
La première question que nous poserons lors de ce congrès, c’est de savoir ce que doit être la décentralisation dans un pays comme le nôtre. Chacun en a sa propre définition. Mais il n’en reste pas moins vrai qu’aucun pays à la gouvernance centralisée aux mains de quelques-uns ne peut réussir dans un monde changeant, où la capacité d’adaptation aux circonstances et au terrain est essentielle. Or, la culture des élites politiques, leur formation même, les conduit à refuser catégoriquement cette évidence, dont elles ne veulent même pas entendre parler. La preuve en est que la décentralisation, inscrite dans la loi depuis plus de 35 ans, n’a toujours pas infusé les plus hautes sphères de l’administration centrale. Pire, des jeunes cadres, qui n’ont pourtant jamais connu la situation d’avant 1981, sont souvent parmi les plus déterminés à recentraliser ! Le risque de l’implosion est immense. La seule façon de le conjurer est d’accepter de faire confiance. Ce n’est pas gagné …
La deuxième question est celle du rapport entre la commune et l’intercommunalité. Elle revient sur le devant de la scène à cause de la loi Notre. Celle-ci a provoqué un changement de nature de la démarche d’intercommunalité : démarche entièrement fondée sur le volontariat jusqu’alors, elle est désormais perçue comme étant imposée par la loi et les représentants de l’Etat. D’où le malaise et la désillusion de nombreux maires, qui estiment ne plus avoir leur mot à dire dans d’immenses ensemble où ils sont noyés. Pire même, la complexité de ces ensembles, souvent dessinés sur une carte plate et ignorant parfois les vrais territoires de vie, conduit à la montée en puissance des bureaucraties intercommunales et à la mise à l’écart progressive des élus. Est-ce vraiment cela que l’on veut, sous couvert de la sacro-sainte rationalisation ?
La troisième question, c’est le partage des ressources publiques. Elle est naturellement liée à la première, tant les finances publiques sont d’abord un sujet politique. La disparition programmée de la taxe d’habitation a remis l’affaire sur l’ouvrage, et montré que l’Etat refusait en réalité de partager le pouvoir fiscal, donc le pouvoir tout court. Il souhaite finalement que les collectivités se comportent en sous-traitants, leur dit ce qu’il faut faire, comment le faire et leur octroie les moyens qu’il estime nécessaire pour le faire. Il n’y a pas besoin d’élus pour cela, puisqu’il n’y a plus de choix à faire, de décisions à prendre, mais des consignes à appliquer. Des salariés, fonctionnaires ou non, y suffisent. Est-ce donc la fin de la démocratie locale ?
La quatrième question, qui couvre toutes les autres, c’est ce que va devenir la République. Et celle-ci est tout autant chez elle dans une petite mairie que dans les palais ministériels. Sera-ce encore le cas demain, lorsque le fait communal aura de fait disparu dans une dévitalisation dont on perçoit les prémisses ? Est-ce vraiment ce que veulent les Français ?
Il y a urgence à répondre à ces questions, et à clarifier ce que nous souhaitons, ensemble, pour notre destin commun. L’heure est plus grave qu’on ne le pense.