Logement social : faisons le choix de l’humain !
Vives protestations chez les acteurs du logement social. Locataires, bailleurs sociaux et collectivités locales sont inquiets face aux décisions de l’Etat, qui souhaite réaliser des économies substantielles au détriment de la politique du logement, qui reste en France une politique publique forte concernant des millions d’habitants.
L’Etat choisit de s’attaquer aux organismes HLM – y compris ceux qui réinvestissent l’argent de leur patrimoine dans des programmes de construction ou de réhabilitation. Il veut dénicher le fameux « trésor caché ». Seulement, pour trouver ce soi-disant « trésor caché », il décide d’employer la force en ponctionnant les organismes ayant de nombreux allocataires de l’aide personnalisée au logement (APL), au point de les fragiliser, voire de les condamner. Ce faisant, l’Etat commet d’ailleurs de grossières erreurs d’appréciation : il confond dans son raisonnement fonds propres, fonds de roulement et trésorerie, une erreur qui vaudrait à tout lycéen en bac pro de comptabilité un zéro pointé. Mais peu importe : c’est l’Etat, et l’Etat a toujours raison, surtout aucun député, dont on présume que certains d’entre eux – les nouveaux « start-upeurs » par exemple – doivent connaître ces notions basiques, ne bronche même pas. Et cette affaire intervient quelques mois après une première baisse de la contribution de l’Etat au Fonds national des aides à la pierre, actée dans la loi de finances pour 2017. Un désengagement financier qui a également mis un frein à la construction d’environ 12 000 logements sociaux en prêts locatifs aidés d’intégration (PLAI) destinés aux ménages ayant les ressources les plus faibles. Puis s’en est suivi la baisse mensuelle des APL, d’un montant de 5 euros ayant pris effet le 1er octobre dernier, éternelle tarte à la crème que sert la direction du Budget à tout nouveau ministre du Logement (Mmes Pinel et Cosse pourraient sans aucun doute le confirmer, mais elles ont su y résister …). Enfin, une nouvelle baisse de 50 à 60 euros mensuels, avec obligation faite pour les bailleurs sociaux de baisser d’autant les loyers de leurs locataires touchant l’APL, soit 2,5 millions de ménages, afin de compenser la perte des locataires. On notera avec intérêt qu’aucune obligation de baisse des loyers n’est fait aux bailleurs privés : c’est bien la preuve que l’offensive est dirigée non vers les locataires eux-mêmes, mais vers les organismes publics ou para-publics propriétaires et gestionnaires de logements sociaux.
Car ces décisions ne peuvent avoir que de lourdes conséquences. Ainsi financièrement sanctionnés, certains bailleurs (petits et grands) voient leur capacité d’investissement se réduire et n’auront que pour seule alternative de se rapprocher d’autres (souvent encore plus gros) sous peine de plonger dans le déficit et in fine de disparaître. A court ou moyen terme, une bonne moitié des organismes ne pourront survivre, les logements se dégraderont, les citoyens ne bénéficieront plus de prestations aussi qualitatives, la construction neuve se tarira, et les conséquences seront désastreuses pour une bonne partie de nos territoires.
Ce vaste plan a finalement pour objectif de fragiliser les acteurs locaux du logement qui ne pourront répondre en matière de production de logements dans un contexte d’instabilité. Sous couvert de simplification, la loi NOTRe a déjà pratiquement interdit l’intervention des communes dans les offices municipaux qui subsistaient encore. Les maires et les élus communaux ne peuvent plus intervenir sur leur territoire. Pourtant, ils sont les seuls à détenir encore un capital de confiance important de la part des habitants. Ils sont les seuls à pouvoir faire accepter de nouvelles constructions car ils savent les assortir des services publics de proximité nécessaires à l’accueil de nouvelles populations. Et ils ont démontré, de longue date, l’efficacité de leur action en maintenant leurs efforts de développement et leur soutien au logement, et ce malgré le désengagement financier de l’Etat.
La commune est et doit rester l’acteur public de proximité, créateur de lien social, assurant les services publics du quotidien au plus près des besoins des habitants, équipant le territoire communal et développant son attractivité. Après la suppression de fait des offices communaux de l’habitat, garants de qualité de gestion, de réponse adaptée aux locataires et de capacité de production apaisée de nouveaux logements, le pouvoir central poursuit ainsi inexorablement son chemin vers la massification, la course au « gros », l’éloignement des habitants et l’élargissement de la fracture sociale et territoriale. C’est le retour de la construction de masse des années 60, dont on connaît les résultats catastrophiques, avec en même temps la perspective d’une forme de privatisation permettant de générer quelques juteux dividendes pour hauts fonctionnaires pantouflards, à l’image du scandale d’Etat de l’affaire ICADE des années 2000, malheureusement rapidement étouffé.
En voulant économiser à court terme et aller vers le pouvoir absolu, l’Etat recrée les conditions d’une crise majeure dans les 10 ans, et encourage la montée des extrêmes lors des prochaines élections. C’est plus qu’une erreur, c’est une faute politique.
Si nous voulons des logements de qualité, au cœur de nos villes, proches des aménités urbaines, logeant des locataires écoutés et impliqués dans la gestion de leurs logements, faisons au contraire le choix d’organismes à taille humaine, contrôlés par les collectivités locales. Le choix de la qualité et de l’humain, avant celui de la puissance et des privilèges.