Mobilisons-nous pour nos territoires ruraux !
9 194. C’est le nombre de communes qui, au soir du second tour de l’élection présidentielle, ont placé le Front National en tête de leurs suffrages. Parmi elles, une majorité de communes rurales, ce qui vient confirmer l’implantation du parti d’extrême-droite dans ces zones, et avec elle, la fracture entre la « France des villes » et celle des campagnes. Au lendemain de ces résultats, j’appelle à faire des territoires ruraux une priorité de notre nouveau gouvernement.
Ce résultat s’explique principalement par le sentiment d’abandon, pour ne pas dire de désespérance, ressenti dans ces territoires. Les territoires ruraux font en effet face à une véritable désertification : les services publics de proximité se font moins nombreux et la présence de l’Etat se fait de moins en moins sentir chez ceux qui en ont pourtant le plus besoin. Cet état de fait participe à l’enclavement des régions rurales, et illustre combien le lien social se délite dangereusement dans notre pays.
Christophe Guilluy, géographe et auteur de l’ouvrage remarqué Fractures françaises, l’explique très bien : « Le rural est pensé non pas comme un avenir mais comme un poids. Ces zones sont très fragilisées parce qu’oubliées par les pouvoirs publics. Moins de services, des hôpitaux qui disparaissent, des écoles et des usines qui ferment. » Et de conclure : « Les dynamiques actuelles ont donné naissance à des territoires très clivés, favorisant ainsi une inégalité sociale et culturelle sans précédent. » Il n’est ainsi pas surprenant de remarquer que le taux de pauvreté en milieu rural dépasse significativement celui en milieu urbain : 13,7 % contre 11 %[1].
Le vote extrême qui s’est exprimé lors de l’élection présidentielle doit donc être compris comme un appel à l’aide, auquel nous devons répondre et qui nous oblige. Le Front National n’apporte à cet égard aucune solution viable, et face aux enjeux du monde rural, la République doit prendre ses responsabilités pour renforcer sa présence dans ses territoires aujourd’hui délaissés.
Alors que la campagne pour les élections législatives bat son plein, la droite et le centre proposent des contrats de « revitalisation rurale » : 1 euro investi en ville doit correspondre à 1 euro investi dans les campagnes. La lutte contre les déserts médicaux est aussi une priorité, et il est proposé que les métropoles participent au financement de la présence étatique dans les espaces ruraux. Mais surtout, je félicite l’esprit de la proposition de la droite et du centre d’imposer un moratoire contre toute fermeture de service public en milieu rural. Pour protéger cette France périphérique, lutter contre l’enclavement de ces territoires et retisser du lien social, il était essentiel de revenir sur la proposition initiale de supprimer 500 000 postes dans la fonction publique.
Il faut désormais aller plus loin. La nécessité d’assainir les comptes publics, revendiquée par notre nouveau président de la République, ne doit pas avoir pour corollaire un nouvel appauvrissement des campagnes. Il faut au contraire davantage de moyens pour y maintenir la présence de l’Etat et lancer une véritable politique d’investissement. A cet égard, j’estime que la proposition de supprimer la taxe d’habitation pour 80 % des ménages représente un véritable danger pour les collectivités rurales. Cette mesure priverait en effet les communes et leurs intercommunalités de 10 milliards d’euros de ressources ! Elle serait de surcroit non financée, car l’Etat a depuis longtemps cessé de compenser réellement les conséquences de son désengagement des territoires. Elle romprait le lien fiscal entre l’habitant et l’utilisateur des services publics, mettant en danger la démocratie locale. Enfin, une telle exonération viendrait réduire davantage encore la capacité de nos communes à assurer les services publics de proximité essentiels attendus par la population. Nos écoles, nos équipements du quotidien, l’accompagnement des séniors, nos actions associatives solidaires ne doivent pas être sacrifiées sur l’autel de l’assainissement des comptes publics ou de la diminution des impôts. Si l’Etat souhaite baisser sa pression fiscale, il a bien d’autres moyens de le faire sur ses propres impôts, plutôt qu’une fois encore prendre l’argent des autres acteurs publics !
La nouvelle majorité devra donner toute sa place à la décentralisation et faire confiance aux communes et à leurs maires dans la gestion des politiques publiques. Dans un contexte de grande défiance vis-à-vis du politique, les maires restent aujourd’hui les responsables politiques les plus populaires et les plus respectés des Français. Ils redoublent de courage et d’ingéniosité pour faire vivre la solidarité nationale auprès des habitants, particulièrement en zone rurale.
Il y a urgence aujourd’hui à faire de la ruralité une priorité de l’action publique et un sujet central du débat public. Si nous ne voulons pas voir s’agrandir le clivage entre la « France du haut » et la « France du bas », entre les villes gagnantes de la mondialisation et les territoires ruraux qui souvent la subissent, les responsables politiques nouvellement élus doivent se mobiliser en ce sens pour que la République tiennent ses engagements à l’égard de tous les Français. Je porterai moi-même ce combat aux côtés de tous les maires de France et de concert, je l’espère, avec le gouvernement.
[1] http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/094000616.pdf